Les ombres sont fascinantes. Dans un jardin, on conseille de soigner l’ombre. Elle n’est pas un coin où rien ne pousse. On sélectionne les plantes vivaces qui égaieront un mur ombragé. Dans un cimetière, il y a des ombres artificielles et d’autres naturelles. Toutes sont mouvantes. Toutes réagissent au soleil. Toutes ont quelque chose à dire. Et pourtant on pourrait penser qu’il ne se passe rien dans un cimetière, et que de toute façon, c’est fini…

…Non, c’est plein de vie(s).

Ce sont les fleurs qui donnent le rythme dans les cimetières. Elles évoluent. Leurs couleurs et leurs pauses sont plus ou moins intenses, franches et gracieuses (selon qu’on les oublie ou pas).

Capturer les ombres des fleurs artificielles et les comparer avec les ombres des fleurs naturelles, c’est pour moi une façon de questionner la vivacité, la durabilité, la sincérité de la démonstration du souvenir à travers un geste (déposer des fleurs). Pourquoi alors que personne n’en profite ?... « plaisir d’offrir » ? rituel bonne conscience ?

Au final, c’est la Nature, brute, sauvage parfois, mais toujours aimante qui reprend ses droits. On le voit dans ces cimetières où le lierre inonde les tombes, où les pins abritent les stèles les plus anciennes, où les mousses verdâtres envahissent les pierres délaissées. Les ombres des fleurs naturelles veulent vivre. Mais elles fanent avec le souvenir. Les fleurs artificielles, elles, semblent vouloir coute que coute maintenir le souvenir. Elles ne sèchent pas, elles ne bougent pas, mais elles blanchissent au gré des intempéries. Quant aux fleurs en céramique, elles trônent, véritables maîtres des lieux. Insolentes et désuètes, elles figent les souvenirs et les ombres.

Je ne propose pas un tour du monde des cimetières (et pourquoi pas en fait ? -un jour ?), pas de collections non plus, mais des sensations qui m’ont parcourues au cours de quelques-uns de mes voyages. En Corse, par exemple j’ai découvert des lieux intimes. Des caveaux de familles. Des pratiques différentes et des choix. Des monticules hors des villages, parfois cachés. Des lieux sensibles et apparemment abandonnés.

Jérusalem m’est réapparu récemment, violemment. Là, tout est en pierre. C’est presque chaud. Il n’y a aucune végétation. Ce sont les pierres entre elles qui créent les ombres. Il existe donc une exception, tellement vivace.

 


La photographie c’est re-vivre le souvenir.




@Maud Fée